jeudi 7 juin 2012

CHARCOT MARIE TOOTH

" Décrite par trois médecins en 1886, la CMT est une neuropathie héréditaire sensitivo-motrice qui n’affecte pas l’espérance de vie et n’entraîne pas de retard mental. Elle touche indifféremment l’homme ou la femme. Schématiquement, la CMT est liée à l’atteinte des nerfs périphériques, reliant la moelle épinière aux muscles, ce qui perturbe la conduction de l’influx nerveux. Elle entraîne des troubles de la marche et une déformation fréquente des pieds. Cette maladie peut se déclarer dès l'enfance, mais également se développer assez tard, à l’âge adulte. En général, la CMT évolue lentement mais elle peut aussi progresser par poussées. Il en existe plusieurs types, actuellement classés selon la partie du nerf atteinte (myéline ou axone) et le mode de transmission (dominante ou récessive). "

Tout ce charabia, je l'ai entendu des milliers de fois, mais quand on me demande de quoi souffre ma maman, je ne dis juste qu'elle est atteinte de la Charcot-Marie, une maladie neuro-musculaire qui lui atrophie peu à peu les bras et les jambes. Le reste, on s'en fiche, non ? Malgré leurs belles paroles scientifiques, ils n'ont toujours rien trouvé pour soigner, pour ne serait-ce que ralentir la maladie. 

Depuis qu'elle est petite, ma maman n'a jamais pu courir, ou sauter. Elle tombait. Même quand elle marchait, si jamais elle manquait d'attention quelques secondes, elle tombait. Au début, mes grands-parents ne voulaient pas voir la vérité en face, après tout il n'y avait personne dans la famille qui était malade. Ils sont remontés à loin dans leur arbre généalogique, mais rien du tout. Alors ma mamie la forçait à faire de la gymnastique. Et ma maman souffrait. Elle tombait, on se moquait d'elle, elle était triste, elle s'en voulait. Vers 12 ou 13 ans, elle a vu un médecin. Et le verdict est tombé. Elle finirait avec les pieds paralysés, et les doigts crochus. Ce sont ses pieds qui ont été attaqués en premier. Ils l'ont toujours été en fait. Alors on l'a opéré. Des dizaines et des dizaines de fois. Une trentaine en tout. Sa dernière opération date d'il y a 3 ou 4 ans... Elle avait à peu près 45 ans. Résultat, de 14 à 45 ans, quasiment chaque été, elle s'est faite opérer. Des barres de fer dans les doigts de pieds, tarsectomies, arthrodèses... Elle a tant souffert. Maintenant, elle a plus que des vis dans ses chevilles, qui les maintiennent "au carré". Elle n'a plus aucun muscle qui marche dans ses pieds. Et en plus de ça, elle ne fixe pas le calcium, donc ses os sont transparents, et se cassent souvent. Et c'est sans compter les effets secondaires des médicaments... Parce qu'elle en prend des tonnes. Avant elle prenait jusqu'à 16 efferalgants codéinés par jour. Son foie en pâtissait, alors on l'a faite passer à la morphine. Mais c'était invivable... Elle était droguée, s'endormissait tout le temps, ne retenait rien de ce qu'on lui disait. Bref, c'était la cata. En octobre, elle a fait une cure de désintoxication. On lui a remplacé la morphine par de l'Acupan et un autre médicament dont je connais pas le nom. Je vous passe la liste des autres médicaments qu'elle prend, elle en a au moins 10 différents. Elle a moins mal aux jambes, c'est déjà ça. Mais maintenant ses mains commencent à être attaquées... 




J'ai grandit seule avec elle, je vous expliquerai les raisons un autre jour. Ça a pas toujours été facile, certes, mais on peut être handicapée et souriante, heureuse. Ma maman est la reine du sourire. Tout le monde la trouve agréable, adorable. Je vois ses mauvais côtés à la maison : la fatigue, l'irritation, les disputes, mais je suis pas facile à vivre non plus, alors à toutes les deux on fait des étincelles, c'est normal. Puis grandir avec une personne handicapée dans son entourage, ça permet de mûrir très vite, d'être autonome. Et je suis tout à fait d'accord avec ce que dit ma vie mon handicap mes emmerdes, "dédramatisons la maladie ou le handicap. Faisons en une force !". Je considère ça comme une chance, une force. Pas comme un problème. 

Et c'est pas parce qu'elle est handicapée qu'elle est faible, ma maman. Elle m'a élevée seule, s'est toujours battue pour moi, alors que j'étais pas la plus gérable des enfants. Encore aujourd'hui, elle fait face à mes grands-parents quand ils critiquent mes choix d'avenir, elle est toujours là quand je vais mal, se lève pour aller se chercher quelque chose plutôt que de m'appeler quand je suis trop fatiguée, malgré son mal de pieds. Elle supporte mes sautes d'humeur et ma crise d'ado aussi. Moi même je pourrai pas me supporter. Ma maman est forte, la plus forte à mes yeux, c'est mon modèle dans la vie. 

Je voulais dédier cet article à Valentine, du blog yes, what else ?, qui est toute aussi forte que ma maman. La sclérose en plaques est une maladie terrible, et elle la surmonte, elle se bat, magnifiquement. Ses articles sur le handicap m'ont énormément touchée. Tu mérites vraiment d'être heureuse avec ta petite fille, et pourquoi pas On ? ;)

Enfin, même si je sais qu'elle lira sûrement jamais cet article... Maman, je t'aime.  ♥


9 commentaires:

  1. Waou bouleversant, j'ai des larmes plein les yeux vois-tu parce que ma hantise c'est le regard de ma fille ! Et oui elle plutôt plus intelligente que la moyenne même si je n'aime pas dire ça, à son âge elle est en avance comme on dit. Des fois j'en suis très fière et des fois ça me fait très mal : elle peut se laver toute seule, faire couler son bain le vider bain, tout ranger, elle n'a pas encore 5 ans... Je fais et ferai tout pour qu'elle ne me voit pas comme ce que la société imagine d'une personne handicapée. J'espère que je serais aussi forte que ta maman. Ouh la la je suis encore toute émue. Je t'embrasse bien fort ! je vous félicite toutes les deux pour votre chemin, vous pouvez être fières ! Sur ce je vais aller à la sortir de l'école... <3

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    1. Tu sais, à 4 ans j'empêchais ma maman de se lever pour aller faire la cuisine à sa place, et ça m'a pas empêchée d'être heureuse, bien au contraire. Aujourd'hui quand je vois des jeunes de 18 ans qui savent à peine faire cuire des pâtes, qui n'ont jamais fait le ménage de leur vie, je les plains. Je suis persuadée que ta fille ne te verra jamais d'une mauvaise façon, elle ne sera que très fière de toi, comme je le suis de ma maman. Tout ne sera pas toujours facile, tu t'en doutes mais... Un lien mère-fille est plus fort que tout. ♥ Je t'embrasse bien fort aussi, et passe de bons moments avec la petite ;)

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    2. Quelle échange bénéfique pour moi Alice !
      Je te remercie infiniment ♥

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  2. Beaucoup de courage et d'amour dans tout ça. Et très bel article.

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  3. Très très bel article... on sent que ta mère est une battante, et qu'elle connaît le sens de la vie. Ca fait relativiser nos déboires du coup...

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    1. Chacun a ses problèmes, et c'est pas avoir une mère qui a connu tout ça qui m'empêche de me plaindre pour un oui ou pour un non ;) Merci en tout cas (:

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  4. Salut Alice !
    Je tiens à te féliciter de cet article, il est magnifique. Ta maman a beaucoup de chance. Vous êtes très courageuses toutes les deux. Ça déborde d'amour inconditionnel, c'est beau.
    J'ai été très touchée de découvrir que tu avais été faire un petit tour par chez moi :) Tu reviens quand tu veux !
    En tout cas, beaucoup d'encouragements pour ton blog car je pense que beaucoup de jolies surprises nous attendent...
    Belle journée et à bientôt :)

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    1. Merci beaucoup pour ton commentaire, ça fait du bien de lire des choses comme ça. Et je vais pas me faire prier, je me ballade déjà régulièrement sur ton petit blog ;)
      Merci encore, et à très bientôt ♥

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